L’expérience, c’est quoi vraiment ?

On nous vend l’expérience comme une affaire d’ancienneté. Mais dans un monde qui change à toute vitesse, rester figé devient un risque. Et si l’expérience, la vraie, c’était plutôt une affaire de mouvement, de densité et de curiosité ?
Je me suis souvent posé la question.
C’est quoi "avoir de l’expérience" ?
Est-ce que c’est rester 30 ans dans la même boîte, à faire la même chose tous les jours ? Ou est-ce que c’est vivre, essayer, s’adapter, se planter, recommencer, comprendre ?
Je crois qu’on confond beaucoup de choses. Et je crois surtout qu’il est temps de remettre un peu de clarté là-dedans.
Le faux mythe de l’ancienneté
J’ai vu des gens avec "40 ans d’expérience" qui, en réalité, avaient juste répété quarante fois leur première année.
Toujours les mêmes méthodes, les mêmes raisonnements, les mêmes automatismes. Pas de prise de recul, pas de remise en question. Juste de l’accumulation.
Et le plus troublant ?
C’est que ces personnes, malgré toutes ces années, donnent parfois l’impression de ne rien connaître à leur domaine. Parce qu’elles ont figé leur pratique au moment où elles sont sorties de l’école.
Et que le monde, lui, a continué à avancer.
L’expérience dense : ce que je valorise aujourd’hui
Pour moi, l’expérience n’a rien à voir avec la durée. Elle a tout à voir avec la densité.
Je préfère 3 ans de feu, de tests, d’échecs, de réflexions, d’itérations… plutôt que 20 ans de copier-coller dans un poste sans évolution.
L’expérience que je valorise, c’est celle qui t’oblige à :
- t’adapter à de nouvelles situations,
- apprendre à partir de ce que tu vis vraiment,
- créer des liens entre des projets, des contextes, des échecs, des réussites,
- remettre en question ce que tu pensais acquis.
C’est celle que j’ai construite à travers mes projets, mes remises en question, mes envies de comprendre, mes essais (ratés ou non). Et c’est celle qui me pousse à continuer d’avancer aujourd’hui.
Mais cette densité, elle ne vient pas toute seule. Elle vient de la manière dont tu vis tes expériences, pas juste de leur accumulation. Et je crois qu’on devrait tous se demander : qu’est-ce que j’ai vraiment intégré, digéré, transformé dans ce que j’ai vécu ?
Et à ceux qu’on traite d’instables parce qu’ils ont changé de job, de voie, ou de secteur cinq fois en dix ans… j’ai envie de dire : bravo. Parce que c’est souvent là que se cache la vraie richesse transversale. Ce genre de parcours, c’est pas du flou. C’est une agilité profonde. Une capacité à relier les mondes. À naviguer entre les langages. À apprendre partout, tout le temps.
Et derrière tout ça, il y a un moteur qu’on oublie souvent : la curiosité. Celle qui te pousse à ne pas te contenter d’un rôle figé. Celle qui veut comprendre, expérimenter, explorer. Et qui, mine de rien, t’amène à construire une expérience bien plus riche que ce que ton CV pourrait montrer.
Moi-même, j’ai longtemps cru que changer souvent, c’était un défaut. Que bouger trop, c’était une preuve d’instabilité. Jusqu’à ce que je réalise que c’est justement ce mouvement-là qui m’a construit.
Je crois qu’au fond, on cherche tous à compter. Et parfois, l’expérience, c’est juste oser changer de route pour enfin se retrouver.
La sécurité fictive : confort ou piège ?
Il y a cette idée très ancrée dans certaines boîtes ou certains métiers :
"Reste tranquille, suis le process, tout ira bien."
On appelle ça la stabilité. Moi, j’appelle ça souvent une sécurité fictive.
Parce qu’à force de ne jamais remettre en question ce qu’on fait, on se rend pas compte qu’on s’enferme. Et pendant ce temps-là, tout autour, le monde évolue à une vitesse folle.
Dans mon milieu (le médical), c’est flagrant.
C’est lent. Figé. Résistant.
Et pourtant, dehors, t’as l’IA, les objets connectés, les nouvelles approches, les datas, les modèles prédictifs…
Mais dedans, on répète ce qui a été fait "comme ça depuis 20 ans".
On ne bouge pas, parce que ça "fonctionne".
Mais ce qu’on appelle stabilité, c’est souvent juste la peur de changer déguisée en sagesse.
Ce que beaucoup appellent sécurité, c’est juste une peur bien camouflée.
Quand tu bouges, tu déranges
Et là où ça devient intéressant (ou fatigant, selon les jours), c’est quand toi, tu commences à bouger. À remettre en question. À vouloir explorer, apprendre, essayer autre chose.
Là, bizarrement, tu deviens un problème.
Pas parce que tu nuis. Mais parce que tu renvoies aux autres leur propre immobilisme.
Tu deviens le miroir qu’ils ne veulent pas regarder.
Et là, tu entends :
- "Mais vous allez piquer le boulot des autres."
- "T’as pas peur que ça fasse perdre des emplois ?"
- "C’est bien beau ton agilité, mais faut penser à tata Michu, elle a trois enfants."
Comme si le progrès était responsable de la précarité.
Comme si innover, c’était vouloir détruire.
Alors qu’en réalité, c’est rester immobile dans un monde mouvant qui est dangereux.
Ce que ça m’a coûté parfois
Je vais pas mentir : c’est pas confortable.
Quand tu bouges plus vite que les autres, tu déranges.
Tu sens les regards en biais. Les remarques passives-agressives. Les tentatives de te freiner "pour ton bien".
Et parfois, tu doutes. Tu te dis : "Est-ce que c’est moi le problème ?"
Mais non. T’es juste en train d’avancer. Et ça, ça met les autres face à leur propre choix de ne pas le faire.
Et tu l’acceptes. Parce que tu sais que ton énergie, ton mouvement, ta remise en question constante… c’est ça qui te maintient vivant.
L’agilité comme réponse à un monde qui n’attend personne
C’est peut-être pour ça que l’agilité me parle autant.
C’est plus qu’une méthode, c’est un état d’esprit.
Une manière de rester en mouvement, même quand tout change autour.
Tester vite, apprendre vite, ajuster vite. Travailler avec le réel, pas contre lui.
Quand j’ai participé à la Journée Agile en Belgique, j’ai vu à quel point ce besoin était fort.
Des consultants, des grosses boîtes, des profils très différents… mais tous avec le même constat :
On ne peut plus fonctionner comme avant.
Il faut apprendre à évoluer. Et vite.
Moi, cette agilité-là, je l’ai toujours eue de manière intuitive.
Pas parce qu’on me l’a apprise, mais parce qu’elle a toujours résonné profondément en moi. J’ai ce réflexe naturel de décortiquer les choses, de comprendre comment elles s’emboîtent, de voir au-delà de la surface.
Explorer, connecter, expérimenter… c’est presque viscéral chez moi. Ce n’est pas une stratégie, c’est une manière d’exister.
Et derrière tout ça, il y a cette envie constante d’optimiser ce que je touche. De fluidifier, d'améliorer, de rendre plus simple, plus juste, plus aligné. Je ne supporte pas l’inefficacité. L’agilité n’est pas juste un mot : c’est littéralement ma manière de fonctionner, d’observer, de repenser les choses autour de moi pour qu’elles aient plus de sens, plus d’impact, ou simplement plus de cohérence. Et dans un monde qui change aussi vite, je me rends compte que cette manière d’être est peut-être mon plus grand atout.
Alors, je construis quelle expérience ? (Et toi ?)
Moi, j’ai fait mon choix.
Je veux une expérience vivante.
Je veux bouger, apprendre, m’adapter, comprendre, même si ça secoue.
Je préfère ça à trente années d’un confort vide de sens.
Je veux vivre une expérience où chaque étape me transforme un peu.
Où je peux connecter les points, pas juste les accumuler.
Et toi, t’en es où ?
Est-ce que tu vis ton expérience, ou est-ce que tu la subis ?
Est-ce que tu construis quelque chose qui t’éveille, ou quelque chose qui te rassure ?
Parce qu’au fond, l’expérience, c’est pas ce que tu as…
C’est ce que tu décides d’en faire.
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